(un texte de Michel Landry)
Ah, l’intelligence !
Téléphone intelligent, robot intelligent, ville intelligente … il n’y en a que pour l’intelligence de nos jours. Au-delà des prouesses technologiques, se cache une subtile révolution bien plus importante qu’il n’y parait à la surface.
C’est l’Humain qui commande à l’outil !
C’est ainsi que notre rapport Homme-Machine (HMI) est inscrit dans nos gènes depuis le début des temps, l’Homme commande une action, l’outil s’actionne et retourne un signal à l’Homme. Ce signal est visuel, sonore (beep), tactile (click), c’est par exemple le petit LED qui s’allume lorsque vous pesez sur un bouton et qui vous confirme que votre commande a été reçue. Tentez l’expérience, pesez sur un bouton sans qui ne vous soit émis aucun signal de retour, impossible de résister et de peser de nouveau, et de nouveau, de peser plus fort, de tout recommencer du début. Bref, vous n’avez pas votre signal de confirmation et le cycle donc, reste incomplet.
1/3 – C’est quoi être intelligent pour un produit ?
L’évolution des produits intelligents changera possiblement à jamais notre rapport Homme-Machine (HMI) inscrit profondément dans notre génétique. Ces produits intègrent des actions qui jusqu’alors nous étaient réservées. Par contre, il faut faire attention à l’appellation ‘produit intelligent’, comme dans bien des cas, les nouveaux termes accrocheurs deviennent rapidement surutilisés et sans qu’il n’y ait de véritable lien. 
Ils sont plusieurs à se pencher sur la définition du terme ‘intelligence’ pour un produit. Bien que l’intelligence, à ne pas confondre avec la connaissance, fait appel à des aspects bien humains, tels que ; le raisonnement, la compassion, l’empathie, la vertu, le respect … Le Dr. Rijsdijk (2009) tente une série de définitions qui aide à préciser ce que doit être, ou doit faire un produit afin d’être qualifié, ‘d’intelligent’.
Ces définitions sont classées par degré d’évolution de l’intelligence pour un produit :
-
-
- Le produit est autonome – Les robots balayeurs sont autonomes et n’ont besoins d’aucune assistance pour accomplir leurs tâches.
- Le produit réagit – Le sèche-cheveux réagit à la chaleur des cheveux et ajuste sa température en fonction
- Le produit s’adapte – Les textiles ‘phase change material’ (PCM) s’adaptent à leurs environnements ambiants et changent de structure.
- Le produit a plusieurs fonctions – Les téléphones mobiles ont une multitude de fonctions, courriels, appels, applications, photo, vidéo, jeux …
- Le produit coopère (sous-entendu avec un autre produit) – Les imprimantes passent une commande d’encre via internet lorsque le volume d’encre est bas.
- Le produit communique avec l’humain – Les systèmes interactifs d’automobiles répondant aux commandes vocales du conducteur
- Le produit a une personnalité, il peut apprendre et décider – Les derniers robots développés (Han – Hanson robotics), répondent aux questions, et reproduisent des expressions humaines, rire, surprise, triste …
-
.
2/3 – Un transfert de responsabilité
En fait, ce qu’il ressort de plusieurs recherches, (Rijsdijk 2009, Meyer 2008, Cronin 2010), est que pour qualifier un produit d’intelligent, il faut que ce dernier puisse accomplir une tâche qui jusqu’alors était la responsabilité de l’homme. C’est un transfert de responsabilité de l’Homme vers la Machine. 
C’est ce qui diffère d’une évolution purement technologique qui réussit là où l’Homme en est incapable. Le développement de l’intelligence implique le fait que notre rapport Homme-Machine se retrouve basculé, indexé. Avec les produits intelligents, c’est NOUS les humains qui reçoivent une commande désormais. Toutefois, le cycle ‘commande-actions-signal’ restant inchangé, ce sont donc les machines qui attendent notre signal de confirmation. Et ça, ce n’est pas vraiment dans nos habitudes !
Plus important encore, ce changement de responsabilité se transfère également sur le dos du fabriquant du produit, en effet, si le produit doit accomplir une tâche dite intelligente, et qu’il y a défaut, est-ce le fabricant qui est imputable dorénavant, et non l’humain ? Voilà un changement de protocole immense, un nouveau code de vie s’installe.
Certaines fonctions des produits intelligents sont et seront bien acceptées par l’Humain, d’autres prendront plus de temps. Il faudra quelques générations pour que ces nouveaux protocoles prennent place dans la société de façon naturelle. Pour que cette transition soit moins brutale, il faudra que l’Humain perçoive une assistance et une amélioration de performance par la technologie, et non pas un transfert de contrôle. Est-ce pour cette raison qu’un siècle plus tard, la transmission automatique n’a toujours pas délogé la transmission manuelle ? Est-ce également pour cette raison que les technologies ‘Humain assisted and enhancement technologies’ sont en pleine croissance présentement ?
Assister l’humain plutôt que le remplacer, voilà un pont important dans la transition. Certains concepts liés aux villes intelligentes sont à ce niveau, et c’est bien !
.
3/3 – Avis aux développeurs
En résumé, les concepteurs de produits et services doivent dorénavant prendre conscience que lorsqu’ils intègrent des technologies intelligentes dans leurs nouveaux produits, ils retranchent du même coup des responsabilités dédiées à l’humain. Il devient donc beaucoup plus difficile de prévoir le niveau d’acceptation du nouveau produit. Alors, plutôt de dire « quelle technologie extraordinaire, voilà ce que notre produit peut faire maintenant », les questions qui se posent sur le développement de produits intelligents sont plutôt : « quelles responsabilités est-ce que je retranche à l’Homme, et est-ce que ce dernier sera d’accord ? » et également, « quelle responsabilité supplémentaire vais-je transférer à mon entreprise dorénavant, pouvons-nous gérer ? »
Sommes-nous à ce point de bascule ? Si oui, voilà de beaux défis en perspective.
Michel Landry
L.Tech Solution